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Itazuke
La déferlante Kofun continuant de noyer les actualités archéologiques, voici une présentation de Itazuke, qui est peut-être mon site préféré. Il est dans le top 10 en tous cas.
Itazuke (板付遺跡), site phare de la transition entre le Jōmon et le Yayoi, complètement inconnu des riverains*...
Situé sur le plateau d'Itazuke (préfecture de Fukuoka, ville de Fukuoka, quartier de Hakata) sur une terrasse basse, le site d'Itazuke est un habitat à enceinte occupé du Jōmon Final au Yayoi Récent. Il est classé Site Historique National depuis 1976 car je ne suis pas la seule à penser qu'il est formidable.
Le plateau d'Itazuke mesure 650 x 200 mètres environ et est bordé à l'est par la rivière Mikasa et à l'ouest par la rivière Morooka.
* véridique : je connais plusieurs personnes dans la ville de Fukuoka qui n'en ont jamais entendu parler.
** fouilles de Hashimuregawa, préfecture de Kagoshima.
Itazuke (板付遺跡), site phare de la transition entre le Jōmon et le Yayoi, complètement inconnu des riverains*...

Le plateau d'Itazuke mesure 650 x 200 mètres environ et est bordé à l'est par la rivière Mikasa et à l'ouest par la rivière Morooka.
Commençons par une chronologie haletante !
La découverte de cinq hallebardes en bronze à l'emplacement du site en 1867 est enregistrée dans les archives du temple de Tsushinji (les hallebardes, elles, ont disparu).
En 1916, Nakayama Heijirō y découvre une pointe de lance et une épée en bronze dans une tombe en jarre : il s'agit de la première fois que l'on trouve du métal en association avec de la céramique yayoi (je rappelle que jusqu'en 1918**, on ignorait aussi que le Jōmon et le Yayoi étaient deux civilisations qui se succédaient chronologiquement : ce qui nous semble trivial aujourd'hui ne l'a pas toujours été).
En 1948, Nakahara Shigeaki découvre des tessons de poterie yayoi dans un abri anti-bombardement. C'est le grand boom archéologique de l'après-guerre, on vient de fouiller le site de Toro (préfecture de Shizuoka) l'année précédente, le site de Yūsu est en cours de fouilles dans la préfecture de Fukuoka, tout le monde a envie de découvrir les origines de la civilisation Yayoi. Monsieur Nakahara commence donc à creuser de son côté, dans les champs de gobō (grande bardane) autour de l'abri anti-bombardement. En 1950, il y trouve de la poterie Yūsu (appelée alors "Kashiwazaki"), du Jōmon Final, et de la poterie du Yayoi Ancien, qui ne s'appelle pas encore "Itazuke", mais ça ne saurait tarder.
Fort de sa découverte, le lendemain matin, il contacte Okazaki Takashi, ancien professeur de l'Université de Kyūshū qui a trouvé moins stressant de venir enseigner au lycée local. Ce dernier constitue un équipe dans la journée et lance la prospection dès l'après-midi. Suite à cette prospection, des fouilles sur 4 ans sont programmées, menées par Okazaki Takashi et Sugihara Sōsuke, de l'Université Meiji, déjà responsable des fouilles de Yūsu. D'autres fouilles seront également menées dans les années 1970
Les fouilles révèlent un fossé circulaire à section en V, et un fossé linéaire, des silos, ainsi que des rizières et un cimetière dans la plaine autour du village.


Il s'agit (à l'époque) du plus ancien habitat à enceinte du Japon. La poterie du Yayoi Ancien (de type "Itazuke") est accompagnée de couteaux en pierre semi-lunaires, qui sont alors encore considérés comme de l'outillage lithique continental. On trouve aussi du riz carbonisé et des impressions de riz dans la céramique.
Et c'est en 1978 que l'on s'aperçoit qu'il y a sous la couche Yayoi I (du Yayoi Ancien) une unité stratigraphique plus ancienne, de la fin du Jōmon Final. Et cette découverte est faite... dans les rizières inondées : un quadrillage de parcelles de 400 m² carrés, séparées par des digues, avec canal d'irrigation et barrage, dans lesquelles on retrouve des outils agricoles en bois et des couteaux à moissonner en pierre. Et les analyses polliniques indiquent qu'il est très probable que la riziculture inondée ait été complétée par une agriculture sèche.
Les rizières sont installées sur une terrasse basse, mais au dessus des terres marécageuses, c'est pourquoi le système d'irrigation était nécessaire à leur mise en œuvre. Mais comme à l'époque, la riziculture jōmon ressemble à un mythe, on invente le Yayoi Initial plutôt que d'attribuer les rizières au Jōmon Final (plus de trente ans plus tard, les gens ne sont toujours pas parvenus à se mettre d'accord sur l'appartenance de cette unité stratigraphique à l'une ou l'autre des civilisations).

Le barrage

Le système d'irrigation. Au deuxième plan, on voit une curiosité qui n'a aucune valeur scientifique vu que nous ne cherchons pas là à prouver que l'Homme Jōmon (ou Yayoi Initial, si ça vous fait plaisir) était bipède : des traces de pas dans la rizière.

Appréciez au passage la longueur des jupes des uniformes : nous sommes en 1978, ça ne fait aucun doute.
Quelle que soit la civilisation à laquelle on décide d'attribuer ces rizières, elles n'en restent pas moins *très vielles*. À l'époque, les plus anciennes jamais retrouvées sur l'archipel.
Le site comporte donc un habitat à enceinte du Yayoi Ancien sur le plateau, des rizières dans la plaine alluviale alentours, un cimetière un peu à l'écart, avec un cimetière de tombes en jarres considérées comme des sépultures de jeunes enfants. Il est important de noter que la zone à l'intérieur du fossé a été nivelée à la période moderne et qu'on n'y a pas retrouvé d'habitations : celles qui sont reconstituées dans le 「village Yayoi de Itazuke」 sont basées sur celles retrouvées sur le site voisin de Etsuji.
Le fossé est ovale à section en V, il mesure 110 mètres dans son axe nord-sud et 81 mètres pour l'axe est-ouest. Il est large de 1 à 5 mètres, et profond de 2 à 2,50 mètres, bordé probablement de levées de terre de 1 à 1,50 mètres.
Les silos pour le grain (plus de 200) sont d'abord carrés à rectangulaires, mais deviennent circulaires avec le temps. Il s'agit de silos globulaires "en forme de sac", à distinguer des mémorables silos en forme d'erlenmeyer. Ils mesurent 1 à 2 mètres de profondeur et ont été retrouvés au nord comme au sud du fossé, associés avec de la céramique de la phase Yūsu à la phase Itazuke II.
Les rizières se situent principalement à l'ouest du plateau. Elles sont irriguées par un système composé d'un canal principal le long du bord de la terrasse, qui comporte des barrages pour envoyer l'eau vers les rizières et de canaux de drainage qui rejoignent plus bas le canal principal. Les rizières sont divisées en parcelles par des digues de 50 cm de large sur 10 cm de haut. Le quadrillage mis en place lors de la phase Yūsu est repris à l'identique pour les phases suivantes.
La céramique Itazuke I (qui ressemble tellement à la céramique Yūsu que sans contexte, même le plus spécialisé des spécialistes ne peut pas les distinguer, mais ne lançons pas de polémiques) est souvent décorée en frappant une spatule sur sa surface et rappelle par cette caractéristique la céramique Ongagawa, qui se répandra sur tout l'ouest du Japon au cours du Yayoi Ancien.
Dans le fossé, on a retrouvé une petite dotaku (cloche) en bronze avec un battant (7,6 centimètres. non, pas un fragment, une dotaku complète).

Taille réelle (ou approchante)
100 ans après l'établissement du village, le fossé est comblé et les activités se déplacent à l'extérieur de l'enceinte.
Aujourd'hui, le parc archéologique de Itazuke propose une restitution du site, avec le fossé, les habitations et les rizières. Le mobilier est exposé dans un musée associé.

(Pour des raisons de sécurité, le fossé ne mesure pas 3 mètres de profondeur)
La découverte de cinq hallebardes en bronze à l'emplacement du site en 1867 est enregistrée dans les archives du temple de Tsushinji (les hallebardes, elles, ont disparu).
En 1916, Nakayama Heijirō y découvre une pointe de lance et une épée en bronze dans une tombe en jarre : il s'agit de la première fois que l'on trouve du métal en association avec de la céramique yayoi (je rappelle que jusqu'en 1918**, on ignorait aussi que le Jōmon et le Yayoi étaient deux civilisations qui se succédaient chronologiquement : ce qui nous semble trivial aujourd'hui ne l'a pas toujours été).
En 1948, Nakahara Shigeaki découvre des tessons de poterie yayoi dans un abri anti-bombardement. C'est le grand boom archéologique de l'après-guerre, on vient de fouiller le site de Toro (préfecture de Shizuoka) l'année précédente, le site de Yūsu est en cours de fouilles dans la préfecture de Fukuoka, tout le monde a envie de découvrir les origines de la civilisation Yayoi. Monsieur Nakahara commence donc à creuser de son côté, dans les champs de gobō (grande bardane) autour de l'abri anti-bombardement. En 1950, il y trouve de la poterie Yūsu (appelée alors "Kashiwazaki"), du Jōmon Final, et de la poterie du Yayoi Ancien, qui ne s'appelle pas encore "Itazuke", mais ça ne saurait tarder.
Fort de sa découverte, le lendemain matin, il contacte Okazaki Takashi, ancien professeur de l'Université de Kyūshū qui a trouvé moins stressant de venir enseigner au lycée local. Ce dernier constitue un équipe dans la journée et lance la prospection dès l'après-midi. Suite à cette prospection, des fouilles sur 4 ans sont programmées, menées par Okazaki Takashi et Sugihara Sōsuke, de l'Université Meiji, déjà responsable des fouilles de Yūsu. D'autres fouilles seront également menées dans les années 1970
Les fouilles révèlent un fossé circulaire à section en V, et un fossé linéaire, des silos, ainsi que des rizières et un cimetière dans la plaine autour du village.


Il s'agit (à l'époque) du plus ancien habitat à enceinte du Japon. La poterie du Yayoi Ancien (de type "Itazuke") est accompagnée de couteaux en pierre semi-lunaires, qui sont alors encore considérés comme de l'outillage lithique continental. On trouve aussi du riz carbonisé et des impressions de riz dans la céramique.

Les rizières sont installées sur une terrasse basse, mais au dessus des terres marécageuses, c'est pourquoi le système d'irrigation était nécessaire à leur mise en œuvre. Mais comme à l'époque, la riziculture jōmon ressemble à un mythe, on invente le Yayoi Initial plutôt que d'attribuer les rizières au Jōmon Final (plus de trente ans plus tard, les gens ne sont toujours pas parvenus à se mettre d'accord sur l'appartenance de cette unité stratigraphique à l'une ou l'autre des civilisations).

Le barrage

Le système d'irrigation. Au deuxième plan, on voit une curiosité qui n'a aucune valeur scientifique vu que nous ne cherchons pas là à prouver que l'Homme Jōmon (ou Yayoi Initial, si ça vous fait plaisir) était bipède : des traces de pas dans la rizière.

Appréciez au passage la longueur des jupes des uniformes : nous sommes en 1978, ça ne fait aucun doute.

Le site comporte donc un habitat à enceinte du Yayoi Ancien sur le plateau, des rizières dans la plaine alluviale alentours, un cimetière un peu à l'écart, avec un cimetière de tombes en jarres considérées comme des sépultures de jeunes enfants. Il est important de noter que la zone à l'intérieur du fossé a été nivelée à la période moderne et qu'on n'y a pas retrouvé d'habitations : celles qui sont reconstituées dans le 「village Yayoi de Itazuke」 sont basées sur celles retrouvées sur le site voisin de Etsuji.
Le fossé est ovale à section en V, il mesure 110 mètres dans son axe nord-sud et 81 mètres pour l'axe est-ouest. Il est large de 1 à 5 mètres, et profond de 2 à 2,50 mètres, bordé probablement de levées de terre de 1 à 1,50 mètres.
Les silos pour le grain (plus de 200) sont d'abord carrés à rectangulaires, mais deviennent circulaires avec le temps. Il s'agit de silos globulaires "en forme de sac", à distinguer des mémorables silos en forme d'erlenmeyer. Ils mesurent 1 à 2 mètres de profondeur et ont été retrouvés au nord comme au sud du fossé, associés avec de la céramique de la phase Yūsu à la phase Itazuke II.
Les rizières se situent principalement à l'ouest du plateau. Elles sont irriguées par un système composé d'un canal principal le long du bord de la terrasse, qui comporte des barrages pour envoyer l'eau vers les rizières et de canaux de drainage qui rejoignent plus bas le canal principal. Les rizières sont divisées en parcelles par des digues de 50 cm de large sur 10 cm de haut. Le quadrillage mis en place lors de la phase Yūsu est repris à l'identique pour les phases suivantes.
La céramique Itazuke I (qui ressemble tellement à la céramique Yūsu que sans contexte, même le plus spécialisé des spécialistes ne peut pas les distinguer, mais ne lançons pas de polémiques) est souvent décorée en frappant une spatule sur sa surface et rappelle par cette caractéristique la céramique Ongagawa, qui se répandra sur tout l'ouest du Japon au cours du Yayoi Ancien.
Dans le fossé, on a retrouvé une petite dotaku (cloche) en bronze avec un battant (7,6 centimètres. non, pas un fragment, une dotaku complète).

Taille réelle (ou approchante)
100 ans après l'établissement du village, le fossé est comblé et les activités se déplacent à l'extérieur de l'enceinte.
Aujourd'hui, le parc archéologique de Itazuke propose une restitution du site, avec le fossé, les habitations et les rizières. Le mobilier est exposé dans un musée associé.

(Pour des raisons de sécurité, le fossé ne mesure pas 3 mètres de profondeur)
* véridique : je connais plusieurs personnes dans la ville de Fukuoka qui n'en ont jamais entendu parler.
** fouilles de Hashimuregawa, préfecture de Kagoshima.