
J'adore les découvertes de matières périssables...
Le site de Kamabuta (釜蓋遺跡, ville de Jōetsu, préfecture de Niigata), à ne pas confondre avec le groupe de kofuns de Kamabuta situé dans la préfecture de Nagasaki, est un site d'habitat occupé à la toute fin de la civilisation Yayoi et au tout début de la civilisation des kofuns, vers 200 CE. Il a été fouillé dans le cadre de la construction d'une gare de Shinkansen et classé site historique national avec quelques autres sites voisins qui forment l'ensemble de sites de Hida (斐太遺跡群). En 2007 la ville de Jōetsu a décidé de lui consacrer un parc historique municipal.
Il s'agit d'un habitat entouré d'un fossé : le premier habitat à enceinte en plaine découvert dans la préfecture de Niigata, si on excepte l'île de Sado. C'est également l'un des habitats à enceinte du Yayoi les plus septentrionaux. (L'article japonais dit "le plus septentrional", mais les lecteurs de ce blog savent que ce titre revient pour le moment à
Yamamoto.) (On pourrait arguer que l'un étant un habitat de hauteur et l'autre un habitat en plaine, ils ne jouent pas dans la même catégorie.)
Le site est bordé à l'est par une rivière et pouvait donc tenir un emplacement stratégique sur une voie fluviale.
Si ce site est l'objet d'un article aujourd'hui, c'est parce qu'une nouvelle campagne de fouilles a permis la mise au jour dans le sud-ouest du site d'un bâtiment semi-enterré quadrangulaire de de 9,9 x 9,7 mètres de côtés, entouré de deux fossés. Il s'agit, pour tout dire, du plus grand bâtiment semi-enterré découvert à ce jour dans la préfecture pour cette période. Le bâtiment a brûlé, ce qui a permis la conservation de la structure de charpente,
surmontée de blocs d'argile. La théorie dominante en matière de couverture des bâtiments protohistoriques japonais implique du chaume, de la paille, voire des branchages. L'idée qu'ils étaient recouverts de terre a commencé à se diffuser depuis quelques années seulement, et cette découverte lui apporte un argument de poids.

Le bâtiment incendié comportait également environ un million de grains de riz carbonisés, ce qui en fait indubitablement un grenier à riz. C'est intéressant car ce n'est pas un bâtiment à plancher surélevé, bâtiments emblématiques du Yayoi qui sont généralement interprétés comme des greniers à riz. D'autant plus intéressant que des bâtiments semi-enterrés qui servent de grenier, on en connaît au Jōmon (par exemple, à
Ichinosaka).
Certains articles prétendent qu'il s'agit du plus ancien grenier à riz du Japon, ce qui peut sembler douteux, vu qu'il s'agit de la toute fin du Yayoi et que la pratique de la riziculture entre quand même dans la définition de la civilisation... On a bien entendu des traces de riz, de rizières sur ce nombreux sites. Mais, si, comme je l'ai dit plus haut, les bâtiments à plancher surélevés sont interprétés comme des greniers à riz, en a-t-on en fait la moindre preuve directe ? Quelqu'un peut-il me donner le nom d'un site sur lequel des grains de riz ont été retrouvés en contexte de stockage ? (à part "Kamabuta", forcément.) Si j'ai passé des années à recenser les différentes occurrences de grains de riz et autres céréales sur les sites du Jōmon, j'avoue m'être quelque peu désintéressée de la question sur les sites yayois...
De toutes les façons, que ce bâtiment soit ou ne soit pas le "plus ancien grenier à riz de l'archipel", la découverte n'en reste pas pour le moins majeure, ne serait-ce que pour le toit et le nombre de grains de riz retrouvé.
Pour compléter le tableau, ajoutons que cette campagne de fouilles a également permis la découverte dans le nord-est du site d'un petit bâtiment à plancher surélevé (du moins des trous de poteaux qui en restaient), d'un bloc de jade pas encore façonné et d'une perle tubulaire en cours de fabrication. Si les bâtiments à plancher surélevé sont bien des greniers (soyons honnêtes, tout concorde à laisser penser qu'ils en sont), il semblerait donc que deux les types de structures de stockage pouvaient cohabiter sur un même site. J'aime quand les civilisations se révèlent bien moins homogènes qu'on aurait pu le supposer au premier abord.
( La source )