berangere: (rizière)
   Les vestiges de rizières du Yayoi ne sont pas exceptionnels sur l'archipel, mais en comparaison avec les autres types de sites, ils restent relativement rares : ce sont toujours les mêmes terres qui ont été réutilisées au cours des siècles pour produire le riz, et leur entretien détruit sans cesse les traces des exploitations ultérieures.
   Pour qu'on trouve d'anciennes rizières, il faut que celles-ci aient été victimes d'une crue de la rivière adjacente, apportant assez de terre pour que les nouvelles rizières creusées au même endroit n'atteignent pas les précédentes. Les catastrophes naturelles soudaines sont bien souvent les meilleurs alliés des archéologues.

   C'est une catastrophe de ce type qui a enfoui au Yayoi Ancien (vers 400 BCE) les rizières du site de Nakanishi (中西遺跡, préfecture de Nara, ville de Gose, Jō) sous 0,5 à 1,5 m de terre.

   Le site est fouillé avant la construction d'un échangeur sur la route KyōNaWa (qui va, je pense, de Kyōto à Wakayama en passant par Nara). 7.400 m² de rizières ont été dégagés l'année dernière. La campagne de cette année, débutée en avril, couvrait 13.500 m², dont 9.000 se sont avéré être des rizières.
   La plupart des rizières sont petites : 4 mètres d'est en ouest, par 3 mètres du nord au sud, bien délimitées par des levées de terre. On en a trouvé plus de 850. Comme le terrain est légèrement en pente, il a été nécessaire de le niveler, opération rendue plus facile par le morcellement du terrain en unités de petite taille.

   Au nord de Nakanishi, les rizières se prolongent sur le site de Akitsu (秋津遺跡), fouillé de longue date (j'avais fait un article sur son occupation Jōmon il y a plusieurs semaines). Elles semblent s'étendre également vers l'est et l'ouest sur des zones qui n'ont pas encore été fouillées. Avec 20.400 m² de rizières fouillées pour le moment, les sites de Nakanishi et Akitsu constituent la plus grande étendue de rizières du Yayoi Ancien.
   Le record était auparavant détenu par le site de Hattori (服部遺跡, préfecture de Shiga, ville de Moriyama, quartier de Hattori) avec 18.700 m² de rizières fouillées, talonné par le site de Ikeshima-Fukumanji (池島福万時遺跡, Ōsaka, villes de Higashi-Ōsaka et Yao) avec 18.000 m².



















Largest paddy-field complex in Japan for Early Yayoi




  J'en profite pour mentionner la campagne de fouilles de l'année dernière, au cours de laquelle on avait trouvé les vestiges d'une forêt du Yayoi Ancien (200 arbres) au sud des rizières, dont elle était séparée par un fossé. Ce blog fait un compte rendu très détaillé de la conférence d'explications sur site, avec de nombreuses photos (deuxième article, intitulé 炎天下で行われた現地説明会). Il y a notamment un micocoulier (Celtis sinensis var.japonica) dont le tronc a été brûlé puis coupé à 80-100 centimètres du sol.


Japanese hackberry, burnt and then cut by Yayoi people

Les sources )

 

 




berangere: (rizière)
  Oui, je fais dans le titre sensationnaliste, j'avais envie.

   Ikeshima-Fukumanji (villes de Higashi-Ōsaka et Hachio, préfecture de Ōsaka) est un ensemble archéologique complexe essentiellement connu pour ses nombreuses rizières datées du début du Yayoi à la période Kofun. Il a déjà été l'objet d'un article sur ce site l'année dernière.

  En 1996, une centaine d'empreintes de pattes d'oiseau avaient été découvertes dans une rizière datant de la deuxième moitié du Yayoi Ancien (vers 400 BCE). On peut noter qu'il y avait aussi des empreintes de pieds humains, mais pour une raison obscure, on en fait beaucoup moins cas que de celles découvertes à Itazuke.

  Les empreintes de pattes d'oiseaux mesurent 15 cm de long pour 12 cm de large, elles ont été conservées dnas le sol de la rizière grâce à une inondation qui a eu lieu juste après leur impression dans la boue et les a recouvertes de sable.





  L'année dernière, Matsui Shō, responsable de l'archéozoologie dans l'unité d'archéologie environnementale du centre de recherche sur les propriétés culturelles de Nara (dont on avait déjà parlé ici) a montré un moulage de ces empreintes aux vétérinaires d'un parc aux cigognes dans la préfecture de Hyōgo (県立コウノトリの郷公園), qui ont identifié plusieurs traits caractéristiques des empreintes de pattes des cigognes orientales (Ciconia boyciana), espèce vivant encore actuellement au Japon.
  Cette identification a été confirmée au mois de mars de cette année par les experts d'un centre de recherche ornithologique dans la préfecture de Chiba (山階鳥類研究所).
  Avant cela, la première trace de la présence de cigognes sur l'archipel japonais remontait seulement au VIè siècle CE (ville de Maebashi, préfecture de Gunma).










  Cette découverte permet d'inclure les cigognes parmi les modèles potentiels pour les échassiers représentés en nombre sur les dōtakus.
  Il y a par exemple un oiseau doté d'un long bec, d'un long cou et de longues pattes sur la dōtaku 5 de Sakuragaoka, datée du Yayoi Moyen (Je n'ai pas trouvé de meilleur relevé, et on ne voit rien sur les photos). Ces oiseaux sont souvent identifiés comme des grues, à cause de leur apparition dans les légendes traditionnelles liées à la riziculture.
  La représentation d'échassiers en train de manger des poissons sur d'autres dōtakus peut aussi laisser penser qu'il s'agit de hérons.
  Matsui Shō pense que les cigognes sont de bons candidats, car 「ce sont de grand oiseaux, avec les yeux et les pattes rouges, ce qui leur donne une aura divine」. Harunari Hideji, professeur émérite au Rekihaku (Muséum National d'Histoire 国立歴史民俗博物館) précise que les grues et les hérons ont également la même aura divine, et qu'il est donc impossible de conclure sur l'identification des oiseaux représentés sur les dōtakus avec les éléments actuellement en notre possession.


 

Source : Mainichi )

 



berangere: (itazuke)
  Suite au séisme du 11 mars, plusieurs articles sont parus concernant des catastrophes similaires ayant eu lieu dans le passé. J'avais moi-même effectué quelques recherches alors, sans juger bon de leur consacrer un article.

   La semaine dernière, le journal Kahoku, journal local basé sur le Tōhoku, publiait un article sur la colline de Sato (Satohama 里浜, île de Miyato, ville de Higashi Matsushima, préfecture de Miyagi) sur laquelle la concentration d'amas coquilliers datés du Jōmon est beaucoup plus élevée que sur les collines alentours sur la même île. Le site connu sous le nom de Satohama kaizuka est en fait une agglomération d'amas coquilliers sur la colline de Sato, occupée du Jōmon Ancien au Jōmon Final. Il est classé Site Historique National. L'endroit est tout de même particulièrement riche en sites archéologiques, avec 59 amas coquilliers découverts sur les îles de la baie de Matsushima.

   L'île de Miyato, située en regard de la baie de Ishinomaki, a évidemment beaucoup souffert pendant le raz-de-marée du 11 mars. 90% des habitations situées sur les collines de Muro, Ō et Tsuki, sur la même île, ont été détruites. Cependant, seules 4 habitations sur les 117 installées sur la colline de Sato ont été submergées. Cette colline est située sur le côté de l'île opposé à la baie de Ishinomaki (du côté de la baie de Matsushima, donc) et lors des raz-de-marée, la vague frappe d'abord toutes les îles de l'archipel d'Urato et arrive atténuée sur cette colline.

  Cet emplacement particulier lui a peut-être valu sa popularité auprès des populations jōmons. C'est du moins l'opinion de Okamura Michio, grand spécialiste de la civilisation Jōmon dans le Tōhoku, qui précise que de nombreux indices laissent penser que les groupes humains alentours se sont petit à petit déplacés en majorité vers cette colline, qui devait souffrir le moins lors des raz-de-marée.

La source )


  Car les raz-de-marée sont fréquents au Japon. De même que les tremblements de terre, glissements de terrain et autres éruptions volcaniques. Celui du 11 mars était particulièrement violent, mais ce n'est pas la première fois qu'un désastre de cette ampleur se produit à cet endroit.

  En 2007, Matsumoto Hideaki présentait pour la première fois le résultat de ses recherches sur le site de Kutsukata (沓形遺跡, Arai, quartier de Wakabayashi, ville de Sendai, préfecture de Miyagi). L'analyse des dépôts recouvrant des rizières yayois de 2000 ans permettait de conclure qu'ils étaient consécutifs à un raz-de-marée. Le site se situait alors à 2 km de la côte car le niveau de la mer était plus élevé (le site est actuellement à 4 km à l'intérieur des terres), mais le raz-de-marée était déjà considérable.
  Les données enregistrées lors du raz-de-marée du 11 mars ont permis à Matsumoto Hideaki de pousser son étude plus loin, et il en a présenté les résultats à la Convention Scientifique de Printemps de l'Association Géographique du Tōhoku. La comparaison des types de dépôts (boues, sables, types de sables...) et des distances à la côte lors des deux catastrophes a permis de conclure qu'elles étaient d'ampleur similaire.

  La région a également connu un raz-de-marée considérable en 869 (le grand tsunami de l'ère Jōgan). Il semble que le raz-de-marée du 11 mars surpasse celui de 869.
  On pourrait remarquer qu'une telle catastrophe se produit environ tous les 1000 ans, mais Matsumoto Hideaki précise qu'il nous est impossible de conclure sur la cyclicité de ces catastrophes avec aussi peu d'éléments. Il est important de noter que la région connaît d'important raz-de-marée espacés de quelques siècles (comme par exemple en 1611, pendant l'ère Keichō) et que leur ampleur n'est pas toujours bien documentée.

La source )

  En juin 2008, une campagne de recherche géologique dans la ville de Minami Sanriku avait permis de retrouver les traces de deux raz-de-marées très important, l'un daté du Yayoi il y a 2000 ans (probablement le même qu'à Sendai) et l'autre daté du Jōmon il y a 3000 ans. Encore une distance de 1000 ans entre les deux événements (ne vous méprenez pas sur le ton de cette phrase, je suis parfaitement d'accord avec Matsumoto Hideaki sur le fait qu'on ne peut pas conclure sur la cyclicité des raz-de-marée).

Itazuke

Mar. 3rd, 2011 05:28 pm
berangere: (itazuke)
  La déferlante Kofun continuant de noyer les actualités archéologiques, voici une présentation de Itazuke, qui est peut-être mon site préféré. Il est dans le top 10 en tous cas.
  Itazuke (板付遺跡), site phare de la transition entre le Jōmon et le Yayoi, complètement inconnu des riverains*...

  Situé sur le plateau d'Itazuke (préfecture de Fukuoka, ville de Fukuoka, quartier de Hakata) sur une terrasse basse, le site d'Itazuke est un habitat à enceinte occupé du Jōmon Final au Yayoi Récent. Il est classé Site Historique National depuis 1976 car je ne suis pas la seule à penser qu'il est formidable.
  Le plateau d'Itazuke mesure 650 x 200 mètres environ et est bordé à l'est par la rivière Mikasa et à l'ouest par la rivière Morooka.
















Par ici )


* véridique : je connais plusieurs personnes dans la ville de Fukuoka qui n'en ont jamais entendu parler.
** fouilles de Hashimuregawa, préfecture de Kagoshima.
berangere: (yoshinogari)
Des graines de millet des oiseaux (Setaria italica) et de millet commun (Panicum miliaceum) [en japonais respectivement 粟 あわ awa, et 黍 きび kibi, faisons annexe de "l'idiotisme japonais inutile du jour", ça ne peut pas faire de mal], ont été retrouvées sur le site de Shô-Kuramoto (quartier de Kuramoto, ville de Tokushima, préfecture de Tokushima) lors de fouilles de sauvetage qui ont eu lieu en 2006 et 2007, et dont le matériel vient d'être analysé.
La fouille concernait un champ d'environ 190 m², qui a livré environ 500 graines datées par AMS par le Musée National d'Histoire des Traditions (préfecture de Chiba) du Yayoi Ancien. À l'époque de sa découverte, il s'agissait seulement du troisième champ "sec" du Yayoi Ancien découvert sur l'archipel.
Le "laboratoire de recherches sur les propriétés culturelles importantes de Tokushima" indique que cela confirme la culture au Yayoi Ancien d'autres plantes en plus du riz, qui est fragile et facilement détruit par les inondations, remettant en cause la vision traditionnelle d'une société Yayoi uniquement basée sur la culture du riz.

(On peut aussi voir ça comme une continuité de la civilisation précédente : ces deux plantes étaient cultivées au Jomon. Et les populations n'avaient peut-être pas envie de renoncer à la grande variété de leur régime alimentaire)


Le site comporte également un habitat enclos et des rizières. On y remarque également un barrage de rivière, élément du système d'irrigation des rizières. C'est le deuxième découvert dans la préfecture, l'autre étant situé sur le site voisin de Minami-Kuramoto. Ce dernier comporte 67 "pieux" et 6 planches. Les pieux sont en cyprès japonais, ils mesurent 3 à 5 centimètres de large et 30 à 70 centimètres de long. Ils sont espacés de 15 à 20 centimètres, dans le cours de la rivière. Les planches mesurent 20 centimètres de large, 40 de haut, et 1,5 d'épaisseur. Elles ont été retrouvées en place, intercalées entre les pieux. Le barrage a une largeur totale de 2,1 mètres et montre des traces de réparation nombreuses avant son enfouissement définitif suite à une crue de la rivière. On connaît une dizaine de ces installations dans l'ensemble de l'archipel (dont un ici).

Une exposition des découvertes concernant les graines de millet se tient jusqu'au 16 à l'Université de Tokushima, Pavillon Nippo-Asiatique, 1er étage.



Jolie image des graines de millet

www.yomiuri.co.jp/e-japan/tokushima/news/20100307-OYT8T00604.htm
selfpit.way-nifty.com/selfpit/2007/03/post_071e.html
selfpit.way-nifty.com/selfpit/2008/03/post_fa68.html
berangere: (yoshinogari)
Le quartier de Ikeshima-Fukumanji (Higashi-Osaka, Ikeshima-machi) a été le lieu ces dernières années de nombreuses fouilles dans le cadre du plan anti-inondations mené par la ville de Osaka sur la rivière Onchi.
Ces fouilles ont permis la découverte d'un important réseau de rizières datées du Yayoi Ancien à la période Kofun.


Le réseau de rizières du Yayoi Récent

La dernière zone fouillée, d'environ 4.000 m², comportait une partie du lit fossile de la rivière, coulant du sud vers le nord. Elle mesurait entre 19 et 24 mètres de large pour une profondeur de 2 mètres. Le chantier couvrait une portion de rive de 70 mètres de long.
Sur la rive est, une levée de terre artificielle de 2 mètres de large (pour une hauteur conservée de 50 à 60 centimètres) protégeait les rizières.


Le lit de la rivière (à droite) et les rizières

Cette campagne a mis au jour quatre rizières délimitées par des levées de terre, mais également les vestiges d'un barrage de 40 à 50 poteaux de bois établi dans le lit de la rivière afin d'en récupérer l'eau pour l'irrigation des champs.

Cette découverte, datée du Yayoi Moyen, permet une meilleure appréhension de la technologie agricole yayoi.

Sources : http://www.yomiuri.co.jp/tabi/news/20100216-OYT8T00865.htm
http://www.occh.or.jp/shuppan_shiryo/pdf/gensetsu/0906ikeshima_shiryou.pdf
http://www.occh.or.jp/shuppan_shiryo/pdf/gensetsu/h19_093.pdf
http://selfpit.way-nifty.com/selfpit/2009/07/post-4191.html
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