berangere: (jomon doki)
  Au début du mois, le musée du site de Mawaki (真脇遺跡, préfecture d'Ishikawa, ville de Noto) inaugurait la reconstitution du cercle de troncs de châtaigniers dont je parlai déjà l'année dernière. Le cercle, trouvé en 1982 et classé depuis Site Historique d'Importance Nationale, est daté de 800 BCE (Jōmon Final).
  Les troncs mesurent 8 mètres de haut, entre 80 et 100 centimètres de diamètre, ils sont coupés en deux dans le sens de la longueur : l'équipe du musée, associée à des charpentiers de marine de la région, a testé diverses mises en œuvre avec les moyens de l'époque.
  Petite photo pour fêter ça.














Classe hein ? Je veux le même dans mon jardin. Quand j'aurai un jardin.
En fait, si ça se trouve, les troncs mesuraient 50 centimètres et servaient de sièges lors des réunions syndicales de l'époque...
Mais 8 mètres, ça en jette quand même un peu plus.
Reconstitution of Mawaki's Chestnut trees Pilars Circle, Final Jomon (800 BCE)



  Mais en fait, ceci n'est qu'une information annexe. Juste à côté de ce nouveau cercle de troncs de châtaigniers, une nouvelle zone de fouilles a été ouverte depuis l'année dernière, dans laquelle on a trouvé trente-deux (32) bases de poteaux en bois : vingt-et-un (21) en châtaignier et onze (11) en ate no ki (nom du Asunaro en dialecte régional : Thujopsis dolobrata, une espèce de cyprès).
  La plupart de ces poteaux correspondent à la structure de bâtiments (dont certains probablement contemporains du cercle de troncs de châtaigniers retrouvé en 1982) mais sept (7) d'entre eux ont une section semi circulaire et semblent former un cercle d'un peu moins de 5 mètres de diamètre, daté du tout début du Jōmon Final, vers 1.300 - 1.200 BCE. "Semblent" seulement car il manque trois (3) poteaux pour fermer le cercle : ils sont situés en dehors de la zone de fouilles, et l'équipe n'a pas l'air décidée à avancer des théories audacieuses sans avoir toutes les cartes en mains.

  Oui, des cercles de troncs d'arbres, on en connaît une vingtaine, ça n'est pas un de plus qui va révolutionner la vision que nous en avons. Et bien, si l'existence de ce cercle est confirmée par les fouilles de l'année prochaine, il sera en fait le premier cercle de troncs de ate no ki du Japon. Pour être exacte, il serait le premier cercle de troncs d'arbres qui ne soit pas en châtaignier. Comme je viens de le dire, une vingtaine de cercles de troncs d'arbres ont été retrouvés dans l'archipel, essentiellement dans la région du Hokuriku (la zone autour de Mawaki, justement) et, quels que soient leur emplacement, leur taille, leur datation, tous les cercles de troncs d'arbres du Japon sont en châtaigniers. Sauf un, donc.
Illustrations et sources )
berangere: (toro)
  Tentons de rattraper le retard accumulé cette semaine...
  J'avais déjà traité du site de Kamabuta ((釜蓋遺跡, ville de Jōetsu, préfecture de Niigata) en août, à l'occasion d'un article consacré à la découverte d'un très grand bâtiment semi-enterré qui était vraisemblablement un grenier à riz. Le site est daté de la fin du Yayoi Récent et du Kofun Ancien, soit une occupation vers 200 CE.
  La poursuite des fouilles a permis de dégager la base des quatre piliers conservés dans les trous de poteaux du bâtiment (le bâtiment a brûlé, le bois a été conservé car carbonisé). Les piliers mesurent 25 cm de diamètre, et ils portent des marques qui permettent de conclure qu'ils ont été taillés par des haches en fer.

  Les trous de poteaux mesurent 80 cm de diamètre et ils sont équipés au fond d'un système de soutènement qui rappelle celui déjà observé à Zanmochi.
Des poutres ont été disposées horizontalement en forme de キ ou de 井 pour soutenir le poteau, l'empêcher de glisser ou de s'enfoncer dans le sol meuble (Kamabuta, comme Zanmochi, est situé dans une zone marécageuse).








Vue de la structure de soutènement au fond d'un trou de poteau
Wooden structure at the bottom of a posthole, rice granary, Kamabuta site.



Une source )


berangere: (Default)
  Il y a quelques jours je tombai sur un entrefilet "trois habitations semi-enterrées fouillées à Imawaka", sur l'intérêt duquel je m'interrogeai. En fait, le journaliste avait tellement peu de choses à dire sur le sujet qu'il détaillait les découvertes plus ou moins récentes faites sur les sites majeurs alentours...
  Mais ce matin, un nouvel article plus consistant est venu m'éclairer sur ce qui avait valu au site de faire l'objet des attentions de la presse.

  Imawaka (今若遺跡, préfecture de Ehime, ville de Imabari, Asakura Kita) est une site fouillé depuis 2009 dans le cadre de travaux sur la voirie. Il correspond à un habitat ayant livré pour le moment 18 habitations : 6 du Yayoi Moyen, 4 du Yayoi Récent et 8 du Kofun Moyen, pour une occupation du début de notre ère à 400 CE environ.
  L'un de ces bâtiments, de la fin du Yayoi Moyen, a été incendié, et il est possible que cet incendie ait été volontaire, avec un caractère rituel. La raison de l'attribution d'un caractère rituel à cet incendie n'est pas détaillée, mais il est précisé que l'on a également retrouvé un noyau de pêche sur place, qui pourrait être une offrande (syndrome de Makimuku ?). Je ne me prononcerai pas sur la vocation rituelle de l'incendie sans plus d'éléments, mais je trouve tout de même qu'une seule pêche, c'est un peu léger, comme offrande, au cours d'une cérémonie pendant laquelle on en vient quand même à brûler un bâtiment complet...




  En ce qui concerne les conclusions plus pragmatiques de l'étude du bâtiment, la conservation par carbonisation de la charpente a permis de déterminer que l'entrée se situait vers l'ouest, à l'endroit où le fossé entourant l'habitation s'interrompait.
  Les autres bâtiments du site ont livré une quantité importante de vaisselle, mobilier domestique (jarres kame) ou de prestige (plats sur piédestal takatsuki).
  Il est également intéressant de mettre cet habitat en relation avec les nombreux sites du Yayoi dénombrés dans la plaine de Imabari.



Source )
berangere: (rizière)
  J'adore les découvertes de matières périssables...

   Le site de Kamabuta (釜蓋遺跡, ville de Jōetsu, préfecture de Niigata), à ne pas confondre avec le groupe de kofuns de Kamabuta situé dans la préfecture de Nagasaki, est un site d'habitat occupé à la toute fin de la civilisation Yayoi et au tout début de la civilisation des kofuns, vers 200 CE. Il a été fouillé dans le cadre de la construction d'une gare de Shinkansen et classé site historique national avec quelques autres sites voisins qui forment l'ensemble de sites de Hida (斐太遺跡群). En 2007 la ville de Jōetsu a décidé de lui consacrer un parc historique municipal.
   Il s'agit d'un habitat entouré d'un fossé : le premier habitat à enceinte en plaine découvert dans la préfecture de Niigata, si on excepte l'île de Sado. C'est également l'un des habitats à enceinte du Yayoi les plus septentrionaux. (L'article japonais dit "le plus septentrional", mais les lecteurs de ce blog savent que ce titre revient pour le moment à Yamamoto.) (On pourrait arguer que l'un étant un habitat de hauteur et l'autre un habitat en plaine, ils ne jouent pas dans la même catégorie.)
   Le site est bordé à l'est par une rivière et pouvait donc tenir un emplacement stratégique sur une voie fluviale.





   Si ce site est l'objet d'un article aujourd'hui, c'est parce qu'une nouvelle campagne de fouilles a permis la mise au jour dans le sud-ouest du site d'un bâtiment semi-enterré quadrangulaire de de 9,9 x 9,7 mètres de côtés, entouré de deux fossés. Il s'agit, pour tout dire, du plus grand bâtiment semi-enterré découvert à ce jour dans la préfecture pour cette période. Le bâtiment a brûlé, ce qui a permis la conservation de la structure de charpente, surmontée de blocs d'argile. La théorie dominante en matière de couverture des bâtiments protohistoriques japonais implique du chaume, de la paille, voire des branchages. L'idée qu'ils étaient recouverts de terre a commencé à se diffuser depuis quelques années seulement, et cette découverte lui apporte un argument de poids.

   Le bâtiment incendié comportait également environ un million de grains de riz carbonisés, ce qui en fait indubitablement un grenier à riz. C'est intéressant car ce n'est pas un bâtiment à plancher surélevé, bâtiments emblématiques du Yayoi qui sont généralement interprétés comme des greniers à riz. D'autant plus intéressant que des bâtiments semi-enterrés qui servent de grenier, on en connaît au Jōmon (par exemple, à Ichinosaka).
  Certains articles prétendent qu'il s'agit du plus ancien grenier à riz du Japon, ce qui peut sembler douteux, vu qu'il s'agit de la toute fin du Yayoi et que la pratique de la riziculture entre quand même dans la définition de la civilisation... On a bien entendu des traces de riz, de rizières sur ce nombreux sites. Mais, si, comme je l'ai dit plus haut, les bâtiments à plancher surélevés sont interprétés comme des greniers à riz, en a-t-on en fait la moindre preuve directe ? Quelqu'un peut-il me donner le nom d'un site sur lequel des grains de riz ont été retrouvés en contexte de stockage ? (à part "Kamabuta", forcément.) Si j'ai passé des années à recenser les différentes occurrences de grains de riz et autres céréales sur les sites du Jōmon, j'avoue m'être quelque peu désintéressée de la question sur les sites yayois...
   De toutes les façons, que ce bâtiment soit ou ne soit pas le "plus ancien grenier à riz de l'archipel", la découverte n'en reste pas pour le moins majeure, ne serait-ce que pour le toit et le nombre de grains de riz retrouvé. 

  Pour compléter le tableau, ajoutons que cette campagne de fouilles a également permis la découverte dans le nord-est du site d'un petit bâtiment à plancher surélevé (du moins des trous de poteaux qui en restaient), d'un bloc de jade pas encore façonné et d'une perle tubulaire en cours de fabrication. Si les bâtiments à plancher surélevé sont bien des greniers (soyons honnêtes, tout concorde à laisser penser qu'ils en sont), il semblerait donc que deux les types de structures de stockage pouvaient cohabiter sur un même site. J'aime quand les civilisations se révèlent bien moins homogènes qu'on aurait pu le supposer au premier abord.

La source )
berangere: (yajiri)
   La nouvelle est vieille d'un mois, mais j'ai oublié d'écrire l'article...
   Des fouilles sont menées à Kawaraguchibōjū (河原口坊中遺跡, ville de Ebina, préfecture de Kanagawa) depuis 2006 dans le cadre de la maintenance d'une autoroute. Le site est situé sur une légère élévation de 20 à 21 mètres au dessus de la rivière Sagami, sur la rive est, et présente des occupation du Yayoi Moyen à la période contemporaine.
  Les occupations yayois correspondent à un village daté du Yayoi Moyen au Yayoi Récent.

  La dernière campagne a eu lieu d'août 2010 à fin avril 2011 et a concerné l'ancien lit d'une rivière qui coulait au milieu du village au Yayoi Moyen. En raison de la nature du site, de nombreux éléments de mobilier en matières périssables ont été conservés.
  Le mobilier en bois comporte des houes, des pelles, des binettes, des soques, des mortiers et des pilons, des bols sur piédestal, des bols simples, des assiettes, des bords de filets de pêche, des rames et des éléments architecturaux comme des échelles ou des poteaux.
  J'adorerais avoir une photo des bords de filets de pêche, mais en attendant, voici des photos du reste.






mobilier en bois )


  Tout ceci est formidable en soi, mais l'objet principal de cet article est un élément du mobilier lithique, connu sous le nom de "hache en pierre annulaire" : une masse en pierre elliptique avec un trou circulaire la traversant de part en part ("hache" est ici un terme générique : ces objets ne sont en aucun cas tranchants). Jusqu'à présent, on supposait qu'il s'agissait de marteaux mais il existait également une autre théorie selon laquelle ces objets étaient des poids de filets de pêche. Des très gros poids de filets de pêche...
(Une recherche Google Images avec 環状石斧 donne une assez bonne idée de la forme générale de l'objet)

  Au cours des fouilles de cette année, l'une de ces "haches" a été retrouvée emmanchée, ce qui réduit les doutes quant à sa fonction. La hache (qui est donc un marteau) a un diamètre de 9 centimètres et une largeur maximale de 3 centimètres.


marteau en place


marteau en conférence de presse

Encore un peu de mobilier )

berangere: (toro)
  Makimuku ! お久しぶり ! À n'en pas douter l'un des sites les plus populaires de ce journal !

  Petit résumé des épisodes précédents : Makimuku (纒向遺跡, préfecture de Nara, ville de Sakurai), site Yayoi Récent du IIIè siècle CE fait parler de lui depuis quelques temps car il *pourrait* être la capitale du légendaire royaume du Yamatai, et le lieu de résidence de la non moins légendaire reine Himiko*. C'est en tous cas un candidat très sérieux, même la NHK est d'accord pour le dire !
  On y a déjà retrouvé un grand bâtiment sur pilotis de la première moitié du IIIè siècle auquel on fait logiquement référence sous le terme de "la résidence de Himiko" et diverses structures à vocation probablement rituelle avec le mobilier bizarre associé.

  À 5 mètres à l'est de la résidence de Himiko, on vient de retrouver 5 trous de poteaux qui s'alignent selon une direction Nord-Sud. Il s'agirait de la façade ouest d'un bâtiment daté de la deuxième moitié du IIIè siècle. Notez que si l'article commence par citer le Yamatai et Himiko, il embraye en indiquant qu'il est possible qu'il s'agisse d'un bâtiment en lien avec les prémices de l'administration de l'état du Yamato, beaucoup moins légendaire même si ses origines sont assez floues.
  Il n'y a que 5 trous de poteaux, mais comme ils sont d'une taille comparable à ceux du grand bâtiment à proximité, il est possible qu'ils correspondent à un bâtiment de taille équivalente. Le reste du bâtiment étant enfoui sous la voie ferrée de la ligne Sakurai de la JR, il ne sera pas possible de vérifier son étendue.



Source )


* légendaire est à prendre ici au sens strict du mot**.

** d'accord, j'exagère peut-être un peu, il y a probablement un fond de vérité dans l'existence de l'entité politique et de la dirigeante.

berangere: (dash)
  Suite à la lecture de nombreux articles sur le site de Aoya Kamijichi (sur lequel ont été retrouvés des éléments d'architecture), l'idiotisme japonais inutile du jour devait être

垂木
 たるき
 taruki



  Finalement, ce sera

小屋組
 こ   や ぐみ
  ko      ya  gumi

charpente,

ce qui me permettra de développer un peu dans l'inutilité la plus flagrante, tout de même accompagnée de deux illustrations !

C'est long... )
berangere: (tateana)
  Voilà que j'ouvre une section "petites annonces", maintenant...
  La ville de Fukushima recherche des volontaires pour accueillir le public sur son parc historique 「Jo-mopia Miyahata」.
Jo-mopia, contraction hasardeuse de Jōmon et utopia est un parc archéologique situé à l'emplacement du site de Miyahata (qui a été fouillé avant l'installation du parc, bien entendu).


(oui, ils n'ont pas fait les choses à moitié)

  La parc comporte donc, si on en croit le schéma,
[1] une forêt jōmon (縄文の森)
[2] un village jōmon (縄文のむら*)
[3] une pelouse (芝生広場)
[4] des fleurs le long des chemins du parc (園路沿いの花)
[5] un marais (湿地)
[6] une zone multi-activités (多目的広場) (en haut à droite là où il y a le gros point avec un trait qui part vers l'extérieur du dessin)
[7] une station d'accueil (ガイダンス)

  La ville recherche des hommes et des femmes âgés de plus de 18 ans avec un intérêt pour l'histoire. Les candidatures sont à adresser par courrier ou par fax à la section culturelle du Comité d'Éducation de la ville de Fukushima avant le 28 février. La formation commence en mars, et les activités en mai.
 

 

Mainichi )

 




*pour une raison inconnue, 「mura」 (village) est très souvent écrit en hiragana ou en katakana (むら ou ムラ) dans les parcs archéologiques alors que le kanji (村) fait partie de ceux qu'on apprend en première année d'école primaire...
** je rappelle que les os sont rarement conservés sur les sites japonais.

berangere: (Default)
  Le service de presse du site de Makimuku (ville de Sakurai, préfecture de Nara) tente de rivaliser avec celui de Gossakaito et nous gratifie de deux articles en deux jours ! En plus plein de sensationnalisme, en relation avec le mythique Yamatai, la non-moins mythique Himiko, le tout saupoudré de pratiques rituelles.
  Car oui, la préfecture de Nara est un (des nombreux) candidats sérieux pour être le mythique royaume du Yamatai.

  On vient de retrouver sur le site de Makimuku un... trou (il n'y a pas d'autre mot) de taille conséquente (4,3 m du nord au sud, 2,2 m d'est en ouest et 80 cm de profondeur : peut-on encore appeler ça un silo ? en plus, il semble que ça n'en sois pas un) du milieu du IIIè siècle CE, qui contenait 2000 noyaux de pêche disposés dans des paniers en bambous.



2000 noyaux de pêche ! Est-il nécessaire de préciser que c'est la première fois que l'on retrouve autant de noyaux de pêche dans un même ... trou ?
  Les conditions de conservation sont telles que la chair a été préservée dans un cas et que l'on a pu établir la présence d'individus immatures (mince, je parle comme une anthropologue... une pêche pas mûre, donc), on peut ainsi raisonnablement penser qu'il ne s'agissait pas de déchets de consommation et donc, l'explication préférée des archéologues lorsqu'ils ne comprennent pas l'utilité d'un acte, artefact, bâtiment... a pu être avancée : il s'agit d'un dépôt rituel !
  Dans l'Antiquité chinoise (et donc également japonaise), la pensée Shenxian professait que les pêches avaient un pouvoir particulier procurant longue vie et protection contre les forces du mal. Le doute n'est donc plus permis !

  Ajoutons à cela le fait que nous sommes à Nara, un des possibles candidats au titre de Yamatai, dont la reine Himiko était une sorcière, et nous pouvons logiquement conclure qu'il s'agit là des pêches de Himiko elle-même ! Les dates correspondent ! Bon, le raccourci journalistique est excusable, il faut bien vendre...

  D'un point de vue un peu plus scientifique, on peut noter que le trou recoupe les restes d'un très grand bâtiment, qualifié de palais, et qu'il aurait donc été creusé après son abandon.

  Le lendemain, dans le même journal, le Comité d'Éducation de la ville de Sakurai annonçait la découverte d'un fragment de cloche en bronze (instrument rituel s'il en est, j'avoue que même moi, sur ce coup, je ne trouve pas grand chose à redire à ça...), daté du IIè siècle CE et d'une habitation d'une puissante famille de la fin du Vè siècle ou du début du VIè siècle CE (ce type de résidences semble assez rare dans la région de Nara pour cette période).
  Le fragment de cloche mesure 3,7 cm de long pour 3,2 cm de large et 3 mm d'épaisseur, mais la cloche dont il provient devait mesurer environ 1 mètre de haut (incroyable tout ce qu'on peut faire dire à un bout de bronze de 10 cm²...).



  Cette découverte peut être rapprochée de celle d'un autre fragment de cloche en bronze, trouvé en 1972 sur le même site, à environ 100 mètres. Des analyses doivent être effectuées avant de pouvoir affirmer qu'il s'agit de la même cloche.
Ishino Hironobu, conservateur du musée archéologique préfectoral de Hyogo et responsable des fouilles en 1972, parle de rituels liés à l'établissement et à l'abandon du palais : la cloche aurait été volontairement brisée lors de la fondation d'un palais, et les pêches enfouies lors de son abandon. D'autres fragments de cloches brisées ont été découverts dans la même ville, sur les sites de Wakimoto et de Daifuku, datés du début du IIIè siècle CE, ce qui pourrait être un indice d'une pratique récurrente : les cloches sont brisées et la majorité du métal est réutilisé par la suite.
  Le site de Makimuku a déjà livré un certain nombre d'artefacts qualifiés de rituel : des instruments en bois en forme d'épées, de la vaisselle en céramique miniature et même un arc recouvert de laque noire. Les instruments en bois et la vaisselle sont retrouvés brisés, et on pense qu'il s'agit d'une destruction volontaire pendant un rituel ou après sa réalisation.

  L'autre découverte, donc, est celle d'un fossé, pavé de pierres d'une largeur de 4,5 mètres. La profondeur conservée est de 80 cm. Il est interrompu sur 8 mètres pour donner accès à l'espace qu'il enclot et a été fouillé sur 16 mètres au nord de cette interruption et 6 mètres au sud. L'habitation se situe à l'est.





  On connaît, à proximité immédiate, un kofun (tombe en tumulus *très* spectaculaire) contemporain qui pourrait être la tombe du propriétaire de cette résidence (ce que l'on ne pourra bien évidemment jamais prouver, sauf si les experts las vegas viennent récupérer des cellules épithéliales fossiles sur la céramique à l'intérieur de l'habitation et comparent l'ADN à celui des os que l'on n'a certainement pas retrouvés dans le kofun compte tenu de l'acidité du sol japonais...) (mais ne sous-estimons pas les experts las vegas : ils ont déjà fait beaucoup plus fort, et avec beaucoup moins de matériel).

  Au moins, vu que l'habitation date du Vè siècle, on ne va pas parler de Himiko pour cette découverte ci. Enfin, il y a toujours la possibilité de parler de ses descendants... par son frère. Elle, elle n'en a pas eu.
  Voilà bien le travers de l'archéologie des périodes historiques : on court après les textes. On aurait pu penser qu'on serait relativement tranquilles au Japon, vu que l'écriture n'a pas été introduite avant l'adoption du bouddhisme au VIè siècle, mais c'était sans compter sur les voisins chinois, très forts en écriture, vu qu'ils l'ont inventée (avec l'état, le moyen-âge, l'administration...) à une époque où certains d'entre nous n'avaient même pas encore entendu parler du concept d'agriculture. Voisins chinois, donc, qui ont fourbement laissé trainer une référence à un "pays des wa" dans une chronique du IIIè siècle.

「Going south by water for twenty days, one comes to the country of Toma, where the official is called mimi and his lieutenant, miminari. Here there are about fifty thousand households. Then going toward the south, one arrives at the country of Yamadai, where a Queen holds her court. [This journey] takes ten days by water and one month by land. Among the officials there are the ikima and, next in rank, the mimasho; then the mimagushi, then the nakato. There are probably more than seventy thousands households. (115, tr. Tsunoda 1951:9)」

  Donc, le Yamatai, là, c'est au Japon.
邪馬台 veut dire 「le pays des chevaux maléfiques」, c'est vrai que les chevaux maléfiques sont une spécialité bien connue du Japon. (on peut toujours avancer que les chinois ont pris des caractères au hasard pour retranscrire les sons d'un nom étranger... )

C'est la même chronique du Wei Zhi qui parle aussi de la reine Himiko.

「The country formerly had a man as ruler. For some seventy or eighty years after that there were disturbances and warfare. Thereupon the people agreed upon a woman for their ruler. Her name was Himiko [卑彌呼]. She occupied herself with magic and sorcery, bewitching the people. Though mature in age, she remained unmarried. She had a younger brother who assisted her in ruling the country. After she became the ruler, there were few who saw her. She had one thousand women as attendants, but only one man. He served her food and drink and acted as a medium of communication. She resided in a palace surrounded by towers and stockades, with armed guards in a state of constant vigilance. (tr. Tsunoda 1951:13)」

卑彌呼 peut être traduit par "cri complètement vulgaire". Alors là aussi on peut dire "oui, le chroniqueur pas très sympa a choisi des caractères pour retranscrire un nom étranger". Après tout, ce ne serait pas la première fois que quelque chose de non-chinois serait dévalué dans une chronique chinoise. Elle étaient écrites dans ce but. Le même chroniqueur (ou un autre) un peu plus loin appelle un roi coréen Himikuku 卑彌弓呼. La même chose, sauf qu'on rajoute un arc 弓 au milieu... Troublant quand même non ?

  Et nous voilà avec un pays localisé très vaguement et une reine-sorcière sur les bras...
  En fait, le Yamatai et Himiko, ce sont un peu les Camelot et Arthur japonais. De très fortes présomptions d'une existence réelle, 98% de légendaire rajouté par dessus et aucune localisation possible.
  La polémique est pas près de s'arrêter, dommage que les gens du IIIè siècle aient pas pensé à faire des panneaux en pierre gravée avec écrit "Bienvenue au Yamatai" et "le Yamatai vous remercie de votre visite"...
Les sources... )


berangere: (yoshinogari)
  Le site de Zanmochi (Nishihayashigi-chō, Izumo-shi, Shimane-ken) est situé sur le tracé de la route nationale 431, et est l'objet de fouilles préventives lors des travaux de réfection de cette route, depuis 2002.
Le terrain est gorgé d'eau, au bord de la rivière Ibi, l'enfer à fouiller mais le rêve pour la préservation des matériaux périssables, les fouilles ont donc livré... des matériaux périssables ヽ(*・ω・)人(・ω・*)ノ

  La découverte concerne une partie du site datée de la toute fin du Yayoi, au IIIè siècle CE. La dernière campagne de fouilles a concerné deux bâtiments dont un avec la base de six poteaux encore en place. Sous les poteaux on a retrouvé un système de soutènement pour empêcher le bâtiment de s'enfoncer dans le sol instable du site : il s'agit de la première fois que l'on retrouve un tel système dans la préfecture de Shimane, mais on connaît des structures similaires (pour la même époque) dans la préfecture de Saga, sur le site de Kawayori Yoshiwara.

zanmochi3

  Le bâtiment mesure 5,2 x 2,5 mètres et comporte une rangée de trois poteaux sur chaque côté. Il s'agit d'un bâtiment de type nunobori (布掘建物) : un fossé est d'abord creusé et les piliers sont placés dans ce fossé pour construire la structure du bâtiment. Les poteaux mesurent 30 centimètres de diamètre et sont conservés sur une longueur de 1 mètre. En dessous sont disposées des cales en bois à l'horizontale : quatre d'entre elles forment un H et deux autres sont placées en travers.

zanmochi1

zanmochi2

  La taille des poteaux et le fait qu'ils soient renforcés par la structure de calage ont mené les responsables du site à penser que le bâtiment était peut-être destiné à accueillir de lourdes charges : il servait peut-être de grenier.
Dans les bâtiments avec plancher surélevé classiques, tous les poteaux sont légèrement inclinés vers l'intérieur. Dans ce bâtiment, seuls deux des poteaux le sont.
  Les archéologues pensent que la structure conservée correspond aux fondations du bâtiment : elle soutenait un plancher surélevé au-dessus duquel d'autres poteaux, plus légers, portaient les murs et le toit. Ce type d'architecture est classique pour la période des kofuns, mais reste rare au Yayoi.

  L'autre bâtiment semble être du même type, mais seul le fossé de fondation est conservé, sur une longueur de 7,7 mètres.

  Compte tenue de la nature du terrain, il était nécessaire de prendre des mesures contre l'enlisement des bâtiments.
Higashiyama Shinji (37 ans) (j'aime la manière dont les articles de journaux japonais indiquent toujours l'âge des gens, ils devraient ajouter "marié, 2 enfants, 4è année de primaire, 2è année de collège"...), responsable des fouilles pour le centre pour l'examen des propriétés culturelles enterrées de la préfecture (de Shimane) s'étonne de la complexité du système de calage employé, et s'émerveille des capacités architecturales des hommes de l'époque, qui ont apporté beaucoup de soin à la construction de ce bâtiment, en s'adaptant aux conditions naturelles.

  Le ton légèrement condescendant avec lequel la plupart d'entre nous considère le travail des Hommes du Néolithique (ou du Paléolithique, ou du Moyen-Âge...) me fait toujours un peu grincer des dents. On a toujours un peu l'impression que les hommes adultes du passé devaient avoir la capacité intellectuelle d'un enfant de 5 ans, chaque réalisation un tant soit peu ingénieuse déclenchant des cris de surprise de la part des adultes pourvus de lois physiques ayant permis de maîtriser la fission nucléaire que nous sommes...

Shimanada Toshio, chef de labo du Laboratoire de recherche sur l'architecture de l'établissement de recherche sur les propriétés culturelles de Nara (Section Histoire de l'Architecture du Japon), se demande quant à lui *pourquoi* ces hommes ont délibérément décidé de construire à cet endroit précis un bâtiment aussi grand, en étant complètement au fait de la qualité du sol. Même en étant conscient que nous ne pourrons jamais répondre qu'au "comment ?", nous continuerons toujours à nous demander "pourquoi ?". Le drame de la vie de tous les scientifiques.

Les sources... )


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