berangere: (yajiri)
Photos et cartes seront uploadées plus tard.

   Le site de Hiraoka (平岡遺跡, Ikeda, ville de Toyama, préfecture de Toyama) est formidable. Et je ne prétends pas ça uniquement parce que j'ai participé aux fouilles.
   Hiraoka est un site du Jōmon Ancien (4000 – 3500 BCE) situé sur la partie sud de la colline de Kureha, colline qui a déjà fait l'objet de fouilles archéologiques puisque le désormais très célèbre amas coquillier de Odake (en bref : Jōmon Ancien, 71 corps, site de l'année 2010) est situé dans sa partie nord. Le site de Hiraoka a été fouillé de juin à novembre 2012 avant des travaux pour la construction d'une route départementale. Le chantier s'étendait sur 125 m du nord au sud et 18 m d'est en ouest, soit 2250 m².
   La campagne de fouilles a permis de dégager quatorze (14) habitations semi-enterrées, environ soixante-dix structures identifiées comme des tombes et une foultitude de fosses, silos et trous de poteaux, le tout correspondant aux vestiges d'un village annulaire d'environ 100 m de diamètre. Comme quoi, je n'exagérais pas l'importance du site dans mon introduction ! Il s'agit du deuxième site de la préfecture en nombre d'habitation pour le Jōmon Ancien, le premier étant Yoshimine (吉峰遺跡, ville de Tateyama) avec vingt-deux (22) habitations.

   Il s'agit donc d'un habitat annulaire avec les tombes regroupées au centre dans une aire funéraire d'environ 65 m de diamètre, entourées par l'aire domestique comprenant les habitations. Les habitats annulaires du Jōmon Ancien sont rares dans la préfecture (disons qu'avec les sites de Yoshimine et Hikaoka, on en est maintenant à deux…) mais il en existe quelques uns pour le Jōmon Moyen comme Kitadai (北代遺跡, ville de Toyama) ou Hayatsukiuwano (早月上野遺跡, ville de Uozu), ce qui permet d'espérer quelques études comparatives sur l'évolution de ce type d'habitat dans la région dans un proche futur.
  Les tombes ne contiennent malheureusement pas d'os, mais une grande quantité de mobilier céramique et lithique. De simples fosses en pleine terre ont été identifiées comme des tombes d'adultes, alors que plusieurs vaisselles en céramique enterrées (umegame) pourraient être des tombes d'enfants.
   Les habitations mesurent environ 6 m de diamètre et comportent invariablement un silo d'environ 80 cm de profondeur. La plus grande d'entre elle atteint les 30 m², avec trois (3) silos associés et un foyer clairement identifiable au centre. Les foyers et silos ont souvent livré des restes carbonisés de fruits à écales.

   Les structures fouillées sont donc déjà grandioses, mais elles sont également accompagnées d'un mobilier incroyablement abondant ! Environ trois cents (300) caisses de tessons de céramique du Jōmon Ancien, des haches et des houes en pierre, dont certaines tellement minuscules que *même moi* j'ai pensé le mot "rituel" (pas très fort) (pas longtemps) (et en regardant ailleurs), des pierres à moudre, à concasser,des armatures de flèches magnifiques (oui, j'aime les armatures de flèches : quiconque avec deux mains gauches qui s'est jamais essayé à la taille du silex comprend instinctivement la beauté intrinsèque de ces toutes petites choses), des boucles d'oreilles innombrables et dans un état de conservation pratiquement parfait, des perles tubulaires sublimes, et des centaines d'esquilles qui prouvent un travail local de l'outillage lithique.
   La céramique est un mélange de vaisselles du type Moroiso, de l'Est du Japon, et du type Kitashirakawa, de l'Ouest du Japon, ce qui fait de Hiraoka un point de rencontre de deux cultures. Les liens du site avec l'extérieur sont également suggérés par la provenance des matières premières pour l'outillage lithique : si les boucles d'oreilles sont principalement fabriquées avec des pierres de la ville voisine de Asahi, celles utilisées pour les armatures de flèches et autres armes et outils proviennent des préfectures de Nagano et Gifu (d'accord, c'est pas comme si ils avaient traversé la moitié du Japon, mais y'avait pas de Shinkansen à l'époque. Et Toyama est entouré de montagnes du plus bel effet sur les photos et les engelures).

   Nan, en toute objectivité, ce site mérite le bérangère award du site de l'année 2012.

English Translation... )
berangere: (jomon doki)
  La plupart des gens voient le Jōmon comme une espèce de civilisation new-age égalitaire où les hommes vivaient en harmonie avec la Nature. La plupart des gens qui ont un jour entendu parler du Jōmon, je veux dire.
  C'est à mettre en parallèle avec la civilisation suivante, agricole, hiérarchisée, qui invente les journées de travail de 16 heures, la guerre, la peur, les taxes, la royauté... On sent quand même un très léger parti pris dans ces concepts et la traditionnelle existence de la nostalgie d'un Âge d'Or...

Et bien... non.

Non, les Jōmons n'étaient pas des hédonistes qui gambadaient joyeusement dans les forêts en parlant aux cerfs et aux sangliers.
Non, les Jōmons ne se contentaient pas de prélever dans la Nature ce dont ils avaient besoin pour vivre.
Et non, la société jōmon n'était pas égalitaire.

blabla d'anthropologue sur la hirarchisation de la socit )

La société Jōmon est hiérarchisée. J'ai une preuve !
En fait, un faisceau de preuves, mais la dernière en date nous est fournie par les cercles de pierres du site de Imodasawada 4 (ville de Morioka, Tamayama-ku, préfecture de Iwate), datés de 2000 à 1500 BCE.



Le grand cercle mesure 8 mètres de diamètre, le petit 3. Bien moins impressionnants que les cercles de Ōyu, mais ce n'est pas la taille qui compte.
Le site comporte également le village contemporain du cercle de pierre, dont la fondation remonte à l'extrême fin du Jōmon Moyen.

Bon, les cercles de pierres (ou de terre) (ou de troncs de châtaigniers) ont très très souvent une vocation funéraire, on s'attendait donc à trouver des tombes, ce n'est pas révolutionnaire.
Mais le fait qu'une tombe en particulier semble être la raison de la construction du cercle est intéressant : d'habitude, les tombes sont disposées en cercle, et aucune ne semble plus importante qu'une autre.
On a retrouvé une fosse de 130 par 90 cm au centre du petit cercle de pierres, avec du mobilier funéraire, dont 5 armatures de flèche en pierre. Il y avait également trois autres tombes autour, celles-ci sans mobilier. Les tombes sont datées de la fin du Jōmon Moyen ou du début du Jōmon Récent.

Kumagai Tsunemasa, de la section 「archéologie de la préhistoire japonaise」 du département de littérature de l'Université de Morioka (les facs d'archéo sont toujours dans les départements de littérature au Japon, c'est assez déroutant au départ) pense que le mobilier funéraire induit qu'il s'agit de la tombe d'un membre important du village (et que les tombes autour sont probablement celles de membres de sa famille). Les cercles de pierres de Imodasawada pourraient être les précurseurs des nombreux cercles doubles qu'on retrouve dans le nord du Japon, des études pour déterminer la date de fondation du cercle sont en cours.

On a également trouvé à proximité des cercles de pierres (en haut à gauche sur la photo) 6 trous de poteaux alignés en deux rangées parallèles, qui correspondent à un bâtiment, peut-être en rapport avec les rites funéraires. Il y a des traces de foyers à l'intérieur (ainsi qu'à l'intérieur des cercles de pierres). Ce bâtiment est daté du début du Jōmon Récent.




 

L'article du Yomiuri )

 


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