Sep. 1st, 2011

berangere: (anthropo fun)
  Oh ! Un article sur l'archéo jap qui a réussi à faire son chemin jusque sur les sites d'actu anglophones ! Il n'y a pas de raison que les sites francophones soient en reste, même si, pour ma part, je trouve cette découverte bien moins passionnante que, par exemple, celle du site de Odake... Voici donc une présentation de l'événement archéologique japonais interplanétaire de l'année :

   Le site de Mabuni Hantabaru (摩文仁ハンタ原遺跡, préfecture d'Okinawa, île d'Okinawa, ville de Itoman) est en lui-même un site funéraire intéressant du Jōmon Récent (2000 - 1000 BCE) avec une stratigraphie complexe : sépulture collective secondaire avec réductions de corps, tout ce que j'adore. Pour le moment, le NMI* est de 85 individus mais les restes osseux sont toujours en cours d'analyse.
   Il y a plusieurs phases d'utilisation du site. Dans les unités stratigraphiques supérieures, les individus sont enterrés avec des pierres autour de la tête, dans les unités stratigraphiques inférieures, la mode est aux réductions de corps. 80% du mobilier retrouvé (232 pièces en 2009, je n'ai pas trouvé de chiffres plus récent, mais les fouilles se sont poursuivies en 2010) est en os décoré de ciselures.


Non, je n'ai pas d'illustration plus grande...



  Mais ce qui émeut nos amis anglophones (et les journalistes japonais aussi, ne le nions pas !), ce n'est pas la grande quantité d'os retrouvée, ou la qualité du mobilier mais un ulna droit (os de l'avant bras) qui mesure 28 centimètres de long. De la longueur de cet os, on a déduit la taille de l'individu auquel il a appartenu, et il se trouve qu'il devait mesurer 169 centimètres. Taille tout à fait respectable quand on sait qu'à l'époque la taille moyenne des individus mâles est estimée à 158 centimètres. Et voilà donc ce pourquoi le site fait une apparition sur le net anglophone (le net japonais est en émoi également, hein).
  Il est vrai qu'il s'agit du plus grand ulna retrouvé pour les zones de Kyūshū et Okinawa pour cette période, et qu'il est accompagné d'un autre ulna, ayant appartenu à un individu ayant mesuré 164 centimètres. Même en dehors de Kyūshū et d'Okinawa, les os de cette taille restent rares.


"le corps du délit". à droite. à gauche c'est un radius.

  Donc, sur 85 individus, on a deux grands. Je pense que c'est un peu mince pour conclure à l'existence d'un groupe ethnique allogène sur Okinawa à l'époque (si, si, cette théorie circule). Pour information la taille moyenne des hommes français est de 177 centimètres. Comptez le nombre de français que vous connaissez mesurant plus de 187 centimètres et vous verrez que les individus dépassant la moyenne de 10 centimètres ne sont pas monnaie rare.
  Mais on ne peut pas empêcher les gens de s'enflammer. Certains sites parlent même d'une évolution locale depuis l'Homme de Minatogawa, qui correspond aux plus anciens spécimens humains découverts au Japon (à Okinawa), datés de 16.000 BCE. [La population dite jōmon serait arrivée plus tard, en provenance du nord].14.000 ans sans squelettes intermédiaires, c'est un peu léger pour développer une théorie solide. Surtout si on considère que les squelettes de l'homme de Minatogawa retrouvés appartenaient à des individus mesurant entre 150 et 155 centimètres, et donc plus petits que la moyenne des Jōmons... Si vous voulez faire de cet ulna de 28 centimètres le fer de lance d'une théorie concernant l'implication d'un autre groupe ethnique, choisissez-en au moins un avec une taille moyenne plus importante...
  D'autres sites parlent de relations pacifiques et harmonieuses avec d'autres groupes humains étrangers à une époque où les sociétés humaines ne connaissaient pas la discrimination. Je ne vois aucune objection à cela pour la partie "relations avec d'autres groupes humains" : seule une analyse plus poussée des ossements nous permettra de conclure quant aux éventuels liens de parenté entre les différents individus. Mais pourquoi pacifiques et harmonieuses ? Pourquoi pas, remarque. 

  Ce qui me rassure, c'est que les gens en charge du site sont beaucoup plus rationnels. Matsushita Takayuki, qui est directeur du Musée Anthropologique du site de Doigahama (préfecture de Yamaguchi sur Honshū, un autre site paradisiaque pour anthropologues funéraires, que je vous recommande), si il admet le caractère exceptionnel de la taille de ces os, dit qu'elle peut très bien s'expliquer par des variations individuelles. De même il peut s'agir de deux individus venus de l'extérieur, mais il va falloir trouver un nombre conséquent de squelettes présentant les mêmes caractéristiques avant de pouvoir conclure à la présence significative d'une population allogène complète.
  Les résultats des analyses des os du site de Mabuni Hantabaru (de tous les os et pas seulement deux ulnas) seront présentés le 3 septembre au Musée de Doigahama au cours d'un symposium.


NMI : Nombre Minimal d'Individus = On sait qu'ils étaient au moins 85, mais il est très possible qu'ils aient été plus, c'est juste qu'on ne peut pas le prouver.

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